Sénégal qui rit

Sénégal qui rit
Sénégal qui rit

mercredi 11 juillet 2018

Balance ton roc!


Balance ton roc

Je vais vous parler d’amour, encore, me direz-vous ?!
De l’amour à l’ère de l’anthropocène. L’amour anthropophage, celui où les hommes s’abîment, où les femmes s’épuisent et se ruinent, asservies, ou bien résistent sourdement.
L’amour et son corollaire, le mensonge. Avec un grand aiMe !
Car lorsque la réalité dépasse la fiction, vite, plongeons dans la fiction !

L’amour réserve bien des surprises, et pas toujours de bonnes.
Mon amour nous parle et nous montre avec une économie de mots et de moyens (gravures en quadrichromie) des rêves d’amour, des tentatives de séduction, de la jalousie, de la tristesse.

Mon amour, Paul Cox, Gallimard, Le sourire qui mord, 1992


La Barbe bleue de Charles Perrault évoque la violence et l’omnipotence masculine exercée sur les femmes, la curiosité maladive de ces dernières. Mais la curiosité peut être salvatrice. Elle est aussi le revers de la quête insensée de la vérité. Ce conte nous parle de méfiance, de trahison, de la norme sociale et conventionnelle lourde et carcérale que peut revêtir l’union maritale. Hélène Bessette ne dit pas autre chose dans Le bonheur de la nuit, que l’aliénante société familiale.

La Barbe bleue, Perrault, Battut, Bilboquet, 2000


Le mensonge est la face cachée de l’amour. L’amour sous toutes ses formes. Amour physique, charnel, familial, filial, amour-propre, orgueil, narcissisme.
La fille qui mentait pour de vrai et Super menteur traitent de ce besoin, de cette nécessité qu’ont certains de transformer, d’aménager leur réalité, « pour me rendre intéressante », « pour sauver la mise et m’en tirer » reconnaît Kimberley. Aristide, qui se sent laid et inintéressant, « gagne le droit d’être autre chose » en mentant et s’invente un chien de combat pour se protéger de la brutalité de ses camarades de classe et se valoriser.

La fille qui mentait pour de vrai, C. Grive, Rouergue, 2018



 


 
Super menteur, C. Alix, Magnard Jeunesse, 2015

Mensonge, dissimulation, mascarade, ruse, pourquoi ne pas le prendre comme un tout-venant, avec un détachement doux-amer ? Ce qui est fait dans la très courte nouvelle de Richard Brautigan Une réserve inépuisable de pellicule de 35 millimètres : 
« Elle devient la salle obscure où il projette le film de ses rêveries sexuelles. Son corps est un amphithéâtre de velours doux et vivant, menant à un vagin qui n’est que l’écran chaud de son imagination, dans la douceur duquel il fait l’amour à toutes les femmes qu’il voit et qu’il désire, comme de brèves images de vif-argent ; mais elle ne se doute de rien. […] Les gens continuent à se poser la question, à eux-mêmes et entre eux. Ils devraient savoir. La réponse définitive est très simple. C’est dans sa tête, à lui, que tout se passe. »
 

La vengeance de la pelouse, R. Brautigan, 10/18, Christian Bourgois,1983 



La petite fille qui ment dans Le mensonge est rongée par la culpabilité galopante à la manière d’une œuvre hallucinatoire de Yayoï Kusama et se demande si après la découverte d’un mensonge les gens nous aiment et nous croient encore. L’histoire de Pinocchio nous donne la réponse, portée par la puissance primale du trait et de la couleur de l’artiste Antonio Saura.


Le mensonge, C. Grive, F. Bertrand, Rouergue, 2016 



À celles et ceux qui se laissent prendre dans les mailles du filet des prédateurs de tous poils, telle Sophia la petite fille en rouge, il reste l’art qui nous aide à penser, à comprendre le monde, nous console de la brutalité de la vie et nous avertit. Émotions, sensations, perception, expérimentation distanciée, intellection. Telles sont les fonctions du récit, du conte, de la narration, des images d’art. Émancipatoire, LIBERatoire !
La petite fille en rouge, A. Frisch, R. Innocenti, Gallimard, 2013 

Enfin, pour les amateurs d'art contemporain performatif et photographique décalé, Joël Hubaut questionne le désir et le sexe dans une sarabande rebelle et joyeuse:



Joël Hubaut, exposition L'air d'en rire, Montélimar, 2016

Pour prolonger le plaisir jusqu'au bout de l'été, ces références:
-Le bonheur de la nuit, Hélène Bessette, Laureli/ Léo Scheer, 2006
-L'amour, Marguerite Duras, Folio Gallimard, 1971
-Portnoy et son complexe, Philip Roth, Gallimard, Folio, 1973
-Le nouveau Pinocchio, C. Nöstlinger, A. Saura, 5 Continents, 2010

-Joël Hubaut, Re-mix épidémik, Esthétique de la dispersion, Les presses du réel/FRAC Basse Normandie, 2006
-La longue-vue, Blexbolex, Thierry Magnier, Petite Poche BD, 2006
-Mémed et les 40 menteurs, F. Guillaumond, E. Usdin, Magnard (d'après un conte traditionnel d'Azerbaïdjan), 2002
-Un si gros mensonge, Les classiques du Père Castor Flammarion, illustrations R. Badel (d'après un conte traditionnel tibétain), 2005

« Il n’y a pas d’amour heureux », La Diane française, Aragon, Pierre Seghers, 1944
chanté par:

Nina Simone https://www.youtube.com/watch?v=GM1u72MNLuI
Jean Guidoni, album Légendes urbaines, "Où allez-vous Nora, Djemila", Tacet, 2017:

et "Djemila", 1980, 38 ans avant: