Sénégal qui rit

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mercredi 22 mai 2019

Entre le regard et le sens, la cure Ghirri




   Luigi Ghirri, Karlsruhe 1975
©Eredi Luigi Ghirri







L’art de la photographie est là pour montrer, révéler ce que la réalité nous masque : en l’occurrence, nous donner à voir « l’image nécessaire » à travers l’envahissement des images dans un monde saturé par le visuel. C’est ce dont veut témoigner Luigi Ghirri à partir du début des années 1970 avec ses photographies qui agissent contre la « destruction de l’expérience directe[1]», car nous ne savons pas voir, même les choses ou les scènes les plus simples. Ainsi, la photographie de Ghirri se veut une projection de la réalité et son travail de photographe est en quelque sorte la réalité de substitution.

Cependant Ghirri ne se cantonne pas au pittoresque ou à ce qu’on appelle la photographie vernaculaire. Ses photographies sont autant d’« œuvres ouvertes », au sens entendu par Umberto Eco, à savoir qu’elles sont pleines de « cette valeur, cette espèce d’"ouvertureʺ au second degré à laquelle aspire l’art contemporain [qui] pourrait se définir en termes de signification, comme l’accroissement et la multiplication des sens possibles du message[2]». De fait, les photographies de Luigi Ghirri sont autant de « regards qui pensent[3]», de regards réfléchissants qui agissent de par leur situation à la frontière du conceptuel et du vernaculaire (Ghirri était admirateur tout à la fois de Walker Evans, Ed Ruscha, John Baldessari, Beethoven et Bob Dylan, entre autres).

Il nous semble que ses photos déplacent le paradigme du conceptuel vers l’abstraction comme un procédé d’« abstention visuelle[4]» cher à la démarche psychanalytique freudienne et à l’« acte transactif[5] » porté par toute œuvre ouverte.

Chez Luigi Ghirri Le regard humain est presque « prohibé[6]»: on trouve peu de personnes photographiées dont on puisse voir le visage et les yeux, et le regard du photographe paraît s’effacer devant ses vues parfois pittoresques, souvent banales, ses images « pauvres » l’air de ne pas y toucher.

On peut se demander si on ne se situe pas là dans la « gestion du scopique[7]» c’est-à-dire dans la dialectique entre « regarder » et « être regardé » développée par Lacan dans sa théorie du stade du miroir.

Ghirri n’écrit-il pas : « J’ai photographié de nombreuses personnes de dos, qui regardaient des images, des plans de ville, des itinéraires ; car j’ai voulu, comme dans de nombreuses autres photographies, leur donner un nombre infini d’identités possibles : de la mienne, tandis que je photographie, à celle de l’observateur[8]» ?

Nous vivons d’abord dans les images (comme le formule le titre du journal trouvé et photographié par Ghirri à Rome en 1978 « pensare per immagini ») et le procédé de mise en abyme (regarder et se voir être regardé) chez Ghirri, expurgé dans ses photographies de regards humains directs, se place, selon nous, à la lisière de la méthode psychanalytique où l’analysé rencontre l’analyste dans un processus de transfert et révèle, comme une chambre obscure, le « parcours imaginaire qui se déroule en chacun entre le Regard et le Sens comme condition à l’élaboration d’une "topologie culturelle[9]"».

Ainsi pouvons-nous dire que les photographies de Ghirri agissent comme une "cure psychanalytique".



Exposition Luigi Ghirri, Cartes et territoires, musée du Jeu de Paume, du 12/02 au 02/06/2019 http://www.jeudepaume.org/?page=article&idArt=3242
Archives Luigi Ghirri, Roncocesi, Reggio Emilia, Italie: https://archivioluigighirri.com/

Les images sont reproduites au titre du droit de citation, en exception au droit d’auteur. Les ayants-droit qui s’estimeraient lésés peuvent réclamer la suppression d’une image.



[1] Luigi Ghirri, préface à Kodachrome, dans Luigi Ghirri Cartes et territoires, éd. J. Lingwood, Mack, mars 2018, p. 8.

[2] Umberto Eco, L’œuvre ouverte, Seuil essais, 1965, p. 62.

[3] Clémentine Mercier, « Luigi Ghirri, cadres à "Cartes" », Culture/Next, Libération, 1-03-19

[4] Jacques Bril, Un théâtre intime : l’analyse, In Press, 2002, p. 16.

[5] Umberto Eco, op. cit. p. 56.

[6] Jacques Bril, op. cit. p. 17.

[7] Id., p. 16.

[8] Luigi Ghirri, « Diaframma 11, 1/125, luce naturale », 1979, dans Luigi Ghirri Cartes et territoires, Mack, 2019, p. 155.


[9] Jacques Bril, op. cit., p. 12.
 


dimanche 5 mai 2019

Mai mais faites ce qu'il vous plaît!


Déambulations parisiennes à travers les yeux d'un enfant et d'un pigeon voyageur:

Quête et perte bleue!
L'école des loisirs, 1993


Le bleu, toujours chez Bruno Munari, qui n'en est pas un, mais qui mérite d'être reconnu à sa juste valeur!
 
Bruno Munari
Un Bruno Léo(nar(MUNA(RI méconnu à la galerie Loeve&Co,

15 rue des Beaux-Arts, Paris 6è, jusqu'au 01/06/2019
Bruno Munari,Galerie Loeve&CO


 Du bleu, bistro! Il ne faut pas le chercher très loin, il est au coin de la rue! Au salon des Refusés de la vie!
Marko Isidorovitch, 9 rue des Saints Pères, 6è

Connu à cette adresse

Les arts sont florissants, buissonnants aux petits bleus de Paris!